Repères sur l’histoire du cadastre

« Dès 1789, la confection d’un “cadastre général de toutes les terres du royaume” compte parmi les souhaits exprimés par les États généraux réunis à Versailles¹. Dans les années 1790, une succession de textes législatifs amorça une nouvelle organisation et surtout posa trois grands principes, qui permirent ensuite une réforme en profondeur : abolition des privilèges, égalité de tous les citoyens devant l’impôt et simplicité des contributions directes (foncière, mobilière, patente). D’autres facteurs jouèrent également en faveur de la réforme : l’adoption des systèmes métrique (1797) et décimal (1795), la création de l’Agence des Contributions directes (1797), préfiguration d’une grande administration centrale dont le rôle serait de conseiller et de contrôler. Les premières tentatives d’application de ces principes se heurtèrent jusque sous le Directoire aux habitudes d’Ancien Régime et au manque de moyens financiers². »

1790

23 novembre 1790 : création d’une contribution foncière répartie sur toutes les propriétés foncières, à raison de leur revenu net. Le recouvrement de cet impôt, censé être levé par les communes, se heurte à des difficultés pratiques : celles-ci n’ont pas les moyens de le faire.

1793

Décret du 21 mars 1793 : réaffirmation, sous la Convention, de la nécessité de mettre en œuvre un cadastre d’ensemble.

1798

La loi du 22 brumaire an VII (12 novembre 1798) complétée et étendue par la loi organique du 3 frimaire an VII (23 novembre 1798) crée l’administration des contributions directes afin d’assurer une plus juste répartition de l’impôt et consacre un mode d’évaluation du revenu des propriétés foncières basé sur le revenu net imposable mais ne précise pas sur quel fondement technique serait réalisée cette évaluation.

1802

Arrêté du 11 messidor an X (30 juin1802) : crée une commission chargée d’étudier la confection du cadastre³.

Arrêté des Consuls du 12 brumaire an XI (3 novembre 1802) : instauration du cadastre par masse de culture au 1/500^e.

« Il s’agissait de diviser le territoire des communes, non pas en présentant toutes les propriétés en détail, mais seulement les masses des différentes natures de cultures (terres labourables, forêts etc.). Appliquée en test d’abord dans 1800 communes, la méthode fut étendue aux autres communes mais progressa très lentement, en raison des problèmes budgétaires, du manque d’instruments de mesure et surtout des critiques portant sur les bases même du travail d’évaluation. L’absence de répartition individuelle laissait persister les inégalités entre les contribuables⁴. »

« Dans chacune de ces masses on ne tenait pas compte du nombre de propriétaires de parcelles mais ceux-ci déclaraient la contenance des parcelles possédées.[…] il existait une différence considérable entre les indications données par les propriétaires et les contenances fournies par le plan et, s’agissant d’une répartition par masses, les erreurs concernant les propriétés des uns avaient une répercussion directe sur les propriétés des autres. Aussi l’opération suscita des plaintes des maires, des conseils généraux et des propriétaires et fut suspendue après cinq ans de travaux. […]Mais ce cadastre limité aux masses de cultures initié par la commission du 30 juin 1802 fut directement à l’origine du cadastre parcellaire de 1807 […]. »

1807

« Ordonné sous le règne de Napoléon Ier par la loi du 15 septembre 1807 sur l’exécution du cadastre parcellaire, l’établissement des plans du cadastre ancien, dit aussi «napoléonien», est le résultat d’un arpentage systématique à l’échelle du pays. Il a été réalisé par un géomètre dans chaque commune. Son but était à la fois fiscal (établir les évaluations foncières nécessaires à l’imposition équitable des citoyens) et juridique (résoudre notamment les conflits de bornage entre particuliers)⁶. »

Dans un contexte de contestation des impôts, la contribution foncière a plusieurs avantages : c’est un impôt à quotité, le taux d’imposition est connu à l’avance ce qui donne une visibilité au contribuable et témoigne d’une sécurité juridique ; on peut voir le bien immobilier que l’on impose ; cette approche permet de répartir équitablement l’impôt foncier ; cette fiscalité permet une prévisibilité de l’impôt et donc du budget.

Napoléon veut un cadastre contradictoire. Il faut donc lever des plans et décrire chaque bien pour savoir combien d’impôt on va demander à un propriétaire. Cette liste de biens immobiliers devra ensuite être mise à jour. En France, le cadastre n’a pas le statut véritable de « livre foncier » opposable en justice en matière de propriété. Il concourt seulement à établir la preuve de la propriété individuelle.

« A quelques rares exceptions près, le cadastre français fut établi entre 1808 et 1850. Les plans n’ont pas été mis à jour avant 1930, ce qui constituait une difficulté majeure, car il n’y avait pas de représentations cartographiques des divisions des parcelles intervenues par la suite : seules les matrices cadastrales étaient annotées des changements effectués chaque année⁷. »

1811-1821

Plusieurs typologies de documents sont réglementairement prévus par différents textes :

Paru en septembre 1811,Le petit recueil méthodique des lois décrets, réglementes, instructions et décisions sur le cadastre de la France⁸ détaille tous les travaux nécessaires à la confection du cadastre napoléonien.

L’arrêté de 1817 coordonne les travaux du cadastre à ceux de la carte géographique de la France.

La loi du 31 juillet 1921 confie l’exécution du cadastre aux départements et communes. Elle simplifie les évaluations en renonçant à l’impôt de quotité. L’arrêté du 26 novembre 1821 ordonne le renouvellement de toutes les matrices.

1841

L’autorisation administrative de 1841 donne aux communes la faculté d’entreprendre à leur frais la rénovation de leur cadastre, s’il date de plus de 30 ans.

1850

La loi du 07 août 1850 officialise l’autorisation de 1841.

1881

La loi du 29 juillet 1881 prescrit de séparer les revenus cadastraux des propriétés non bâties et bâties. A compter de 1882 le bâti est donc extrait des matrices des propriétés foncières et on trouve donc de nouvelles matrices pour les propriétés bâties.

1890

Raymond Poincaré, rapporteur de la commission du budget, demande qu’on remédie, par la rénovation d’un cadastre trop ancien, aux inégalités de la répartition de l’impôt foncier sur les immeubles non bâtis ; il prône la constitution de véritables livres terriers sur lesquels seraient consignés les actes intéressant les immeubles tout en assurant leur mise à jour.

1891

Décret du 30 mai 1891, art.1 : Le gouvernement institue « sous la présidence du ministre, une commission du cadastre chargée d’étudier les diverses question que soulève le renouvellement des opérations cadastrales, notamment du point de vue de l’assiette de l’impôt, de la détermination juridique de la propriété immobilière et de son mode de transmission ».

Cette commission travaille de mai 1891 à mars 1905. Elle est présidée par le Ministre des Finances et comprend 80 membres. Elle est divisée en trois sous-commissions : technique, juridique et des voies et moyens. Elle conclut à la nécessité de réfection intégrale du cadastre.

1898

La loi du 17 mars 1898 censée entériner les travaux de la commission, est en fait une réforme partielle. Elle fixe la répartition des dépenses de réfection ou de révision entre l’Etat et les collectivités locales, de même qu’elle fait naître une conservation cadastrale. Mais son caractère non obligatoire en limite la portée. Elle ne prévoit pas le renouvellement des évaluations foncières et n’instaure pas une démarche globale sur l’ensemble du territoire.

Ses principes :

• idée du renouvellement de la révision du cadastre ;
• délimitation et bornage ;
• conservation cadastrale ;
• dotation financière (participation financière de l’État jusqu’à 40 % du montant total dépensé, du département dans la même proportion que l’État et de la commune ou des particuliers intéressés pour le surplus)

Ses décrets d’application stipulent que les levers cadastraux doivent s’appuyer sur la triangulation de l’État-major.

De 1908 à 1914

L’instruction du 31 décembre 1908 ordonne la révision des évaluations des propriétés non bâties.

« La mise au point des natures de culture et du classement était opérée à la mairie au vu du plan parcellaire. Du fait de l’impossibilité la plupart du temps de situer les propriétés sur un plan non tenu à jour depuis son origine et de fixer même approximativement la contenance des nouvelles parcelles fiscales, d’innombrables erreurs furent commises dans la refonte des matrices cadastrales⁹. » 

La révision décennale des propriétés bâties de 1910 entraîne la création en 1911 d’une nouvelle matrice des propriétés bâties, mise à jour jusqu’à la rénovation.

«  dès 1914, l’Administration élabora un projet, approuvé par le ministre des Finances Caillaux, dans lequel les plans cadastraux étaient mis à jour en deux étapes : la première phase, précédant la première révision des évaluations prévue par la loi du 29 Mars 1914, aurait consisté dans le tracé sur les plans parcellaires des voies de communication créées ou modifiées depuis l’établissement du cadastre; la seconde, précédant la deuxième révision des évaluations, aurait eu pour but de tenir compte des modifications survenues dans la consistance des propriétés privées. Ce projet ne fut pas suivi d’effets¹⁰. »

 « Mais devant les difficultés à mettre en œuvre cette mise à jour, il sembla de plus en plus évident que, dans un paysage bouleversé par quatre années de guerre, une opération de rénovation générale s’imposait¹¹. »

1930 et 1941

Des réformes sont adoptées avec les lois des 16 avril 1930 et 17 décembre 1941. Elles préconisent : 

• une rénovation générale des plans cadastraux ;
• leur mise à jour annuelle ;
• la réalisation de nouvelles matrices.

La loi du 16 avril 1930 prescrit une révision exceptionnelle des évaluations foncières des propriétés non bâties. Préalablement, elle prévoit une révision générale de l’ancien cadastre (mise à jour du plan) à la charge de l’Etat et fixe le principe de la conservation annuelle des plans rénovés.

Cette nouvelle collection est à l’origine des plans dits «rénovés». L’une des caractéristiques de ces plans est d’avoir souvent été remis à jour à partir du plan d’origine de rénovation. On trouve donc par exemple sur les cartouches ornant les plans, «plan rénové en 1939 mis à jour en 1956».

Loi n° 5221 du 17 décembre 1941 portant unification des conditions d’exécution des opérations cadastrales et fusion des différents services chargés de leur exécution (J.O. du 16 Janvier 1942) complète ce texte. Elle « fusionne les activités cadastrales en un seul service et propose une autre rénovation : la réfection, avec un lever parcellaire entièrement nouveau¹² ».

La rénovation du cadastre ne s’est pas faite pour toutes les communes de France en 1930, loin s’en faut; certaines communes n’ont été touchées par l’opération que dans les années 1970.

1955

Les décrets du 4 janvier et 30 avril 1955 modifient profondément les conditions de la conservation cadastrale en posant le principe de concordance du fichier immobilier et du cadastre : nouveau système de publicité foncière fondée sur un fichier immobilier tenu par la conservation des hypothèques ; réfection intégrale des plans lorsque la simple révision ne serait pas suffisante.

Décret du 4 janvier 1955, art.2 : « aucune modification de la situation juridique d’un immeuble ne peut faire l’objet d’une mutation cadastrale si l’acte ou la décision judiciaire constatant cette modification n’a pas été préalablement publié au fichier immobilier ».

Décret du 30 avril 1955, art.5 : « tout changement de limite de propriété, notamment par suite de division, lotissement, partage doit être constaté par un document d’arpentage établi aux frais et à la diligence des parties et certifié par elle, qui est soumis au service du cadastre, préalablement à la rédaction de l’acte réalisant le changement de limites pour vérification et numérotage des nouveaux îlots de propriété ».

Réalisation : Plan d’origine > mise à jour des parcelles par un géomètre-expert > mise à jour du bâti par le géomètre du cadastre.

1974

Afin de gérer la mise à jour des plans cadastraux, la loi du 18 juillet 1974 instaure le remaniement cadastral, rénovation ponctuelle réalisée en fonction de la situation de chaque commune et qui se fait aujourd’hui avec le support informatique.

Années 1990

Jusqu’au début des années 1990, les plans cadastraux étaient gérés sous forme de calque et mis à jour à l’aide des instruments traditionnels de dessin.

Dès le début des années 1990, des partenariats ont été établis entre la DGI et des collectivités locales pour dématérialiser le plan cadastral par vectorisation.

2007

Début de la mise en ligne du plan cadastral sur internet sur le site www.cadastre.gouv.fr.

1. Cette demande est exprimée dans les cahiers de doléances et dans 73 assemblées électorales de la noblesse et 58 du Tiers-État)
2. Archives départementales des Yvelines, « Tout savoir de l’histoire du cadastre », Archives départementales des Yvelines, publié en ligne, URL : https://archives.yvelines.fr/rechercher/archives-en-ligne/cadastre-napoleonien/tout-savoir-de-lhistoire-du-cadastre, (consulté le 09/02/2023).
3. https://francearchives.fr/fr/pages_histoire/38832
4. Archives départementales des Yvelines, Op. Cit.
5. Stéphane Lavigne, « Constitution de la commission chargée d’étudier la confection du cadastre : 11 messidor an X (30 juin 1802) », FranceArchives, publié en ligne, URL : https://francearchives.gouv.fr/fr/pages_histoire/38832, (consulté le 09/02/2023).
6. Archives départementales de Loire Atlantique, « Matrices et plans cadastraux », Archives départementales de Loire Atlantique, publié en ligne, URL : https://archives-numerisees.loire-atlantique.fr, (consulté le 08/02/2023).
7. Ibid.
8. Hennet Albert-Joseph-Ulpien (1758-1828) Auteur du texte, Recueil méthodique des lois, décrets, règlemens, instructions et décisions sur le cadastre de la France…, s.l., 1811, publié en ligne, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96475008.texteImage, (consulté le 09/02/2023).
9. Histoire du cadastre, « La loi du 16 Avril 1930 », Histoire du cadastre, publié en ligne, URL : https://cadastre.pagesperso-orange.fr/1930.htm, (consulté le 09/02/2023).
10. Ibid.
11. Archives départementales des Yvelines, Op. Cit.
12. Ibid.